Inspiratrice d'équilibres

Comment j’ai découvert le réemploi en architecture intérieure

« Si je me donne autant de contraintes, c’est pour finalement être plus libre »,

disait Georges Perec en écrivant La Disparition, ce roman hallucinant de 300 pages, écrit sans la lettre « e » (pourtant la plus fréquente de notre langue…essayez, pour voir !), pour évoquer la disparition de sa mère.

Cette phrase, je l’ai souvent entendue dans la bouche de mes professeurs lorsque j’étais étudiante en architecture intérieure.

J’ai moi-même souvent répété cette même idée lorsque j’enseignais l’architecture intérieure, quelques années plus tard, dans la même école : « lorsque vous buttez sur une contrainte, essayez de la transformer en opportunité et d’en sortir par le haut ! »

 

Contrainte et opportunité, voilà bien une idée force de la pensée chinoise traditionnelle !

J’ai eu l’occasion d’expérimenter une nouvelle fois ce principe avec mon dernier projet d’aménagement de bureaux.

La société Healshape et son besoin

Sophie est une amie de longue date. Elle dirige depuis quelques années une start-up lyonnaise de médecine régénérative, Healshape. Sa vocation est de réparer l’humain en lui donnant la possibilité de se régénérer grâce à ses propres cellules. Son premier produit est une bioprothèse mammaire 100% naturelle, personnalisée et résorbable pour les femmes ayant subi une mastectomie suite à un cancer du sein.

Passant une étape de son développement, Healshape devait déménager. Sophie a trouvé des locaux adaptés au process de développement du produit, au sein d’un écosystème de biotechs. Pour elle, c’est une sacrée opportunité !

Elle m’appelle alors pour aménager les bureaux, dans ce qui est alors le réfectoire d’une entreprise qui quitte les lieux.

Un programme contraignant

Deux salles de réunion, quatre bureaux cloisonnés, une salle de pause et de repas…Une ambiance inspirante, conviviale et chaleureuse, démonstrative de la culture rigoureuse et innovante d’Healshape, tout cela dans 75 m².

Avec un budget tendant vers zéro … Demander à des chercheurs quel budget ils octroient à un aménagement de bureau tertiaire est une expérience en soi !

Ajoutez à cela et un planning très serré et des complexités techniques concernant l’électricité et la climatisation…

En synthèse : un programme exigeant, un petit budget et un planning utopique : exactement tout ce que je déteste dans mon métier d’architecte d’intérieur !

Mais Sophie est le sosie de mon client idéal…

Si ça n’avait pas été mon amie Sophie, avec toutes ses qualités que j’adore, j’aurais certainement rendu mon tablier… Sophie avec ses valeurs humanistes, bienveillantes, avec son approche respectueuse de l’humain et de la planète… Impossible de dire non au sosie de mon client idéal !

Alors on s’assied et on réfléchit

Quand on ne sait pas, qu’on panique, dans la logique de l’énergétique chinoise, on se pose.

Je questionne mon réseau de confrères et consœurs architectes d’intérieur :

Est-ce que vous avez déjà eu ce genre de situation ? vous avez des trucs à partager ?

« Tu as pensé au réemploi ? » me répond une consœur.

Non je n’y avais pas pensé !

Grâce à elle, je prends contact avec Marc Girard (qui vient de créer société Flexhof)

La découverte d’un univers passionnant

Et je découvre un univers, un écosystème, embarqué par Marc, qui réalise le chantier, et me dégote des contacts incroyables !

J’ai découvert qu’on pouvait modifier un plateau de bureau et de table de réunion pour les assortir, tout en gardant le piètement.

J’ai découvert un univers follement créatif et engagé, un univers qui apporte des solutions plutôt que des problèmes, des gens enthousiastes et chaleureux… ça fait du bien !!

Alors évidemment, ça m’a fait sortir de ma zone de confort. Il m’a fallu adopter de nouvelles pratiques, changer mes réflexes…

Au final, délais tenus, budget serré …

Au final, on a tenu les délais. On a fait un projet qui rentre dans un budget correct, en respectant l’essentiel du programme.

Dans ce projet, 90% des matériaux et du mobilier ont été réemployés (y compris les portes, les vitrages, les isolants, les panneaux amovibles, les moquettes donc…. On a conservé ce qui pouvait l’être (éclairage, faux plafond…) en le déplaçant, en le relookant…

On aurait pu aller encore plus loin…

j’ai appris qu’il existait aussi maintenant des peintures recyclées ! https://circouleur.fr/

Finalement ces contraintes m’ont fait découvrir tout un univers qui fait pleinement sens, plein de personnalité positives et joyeuses. Preuve aussi que dans une époque qui se complait volontiers dans la déprime, l’innovation est là, les entrepreneurs sont là, les idées sont là, les solutions sont là !

Le réemploi, un savoir faire plein d’avenir

Ce qui fait sens, c’est de faire du nouveau à partir de l’ancien. On réduit les déchets, c’est bon pour la planète !

On fait des économies, on valorise la capacité des personnes à innover, à s’adapter, à contourner la difficulté. C’est comme cela que l’on renoue avec le vivant ! On redécouvre les savoir-faire. L’intelligence et l’adaptation, la créativité, n’est-ce pas le propre d’Homo Sapiens, tout compte fait ?

 

PS :  une précision, pour lever toute ambiguïté : aucune des entreprises citées dans cet article ne m’a rémunérée pour y figurer. A dire vrai elles ne sont même pas au courant. Je les cite juste parce qu’elles le méritent, c’est un cadeau pour aider des entrepreneurs qui le valent bien et que j’apprécie.

 

Crédit photo : Céline Vautey

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